Parijse verhalen & Histoires leydoises – Amour, Histoire et Fierté

L’American Pilgrim Museum à Leyde. Photo: S. Moine

Dans les années 80, en passant dans le Beschuitsteeg, vous n’auriez sans doute pas prêté attention aux deux bâtisses du coin de la rue qui tombaient lentement en décrépitude. Pourtant aujourd’hui, les curieux pressent leur nez contre les fenêtres et chacun est même chaleureusement invité à entrer : l’American Pilgrim Museum y est installé.  Thea Koppenaal et Ron Meerman sont d’invétérés collectionneurs avec un œil plus qu’aguerri dès qu’il s’agit de déceler les trésors cachés. Lorsqu’ils achètent la première moitié de l’édifice en 1987, c’est pour une opération de sauvetage. Un long travail de restauration débute. Du sol au plafond, inlassablement, ils sauvent ce qui est original, complètent et reconstituent avec des matériaux d’époque afin de redonner vie au bâtiment. Au fil du temps, le lieu dévoile ses secrets, jusqu’à sa date de fondation révélée par le bois de la charpente d’origine, bien plus ancienne qu’ils ne l’avaient cru. L’édifice a en effet été érigé vers 1365-1370, pour les chanoines de l’église de Saint-Pancras. Après la Réforme, ces maisons adjacentes sont chacune louées par des familles ordinaires, et en se tenant dans l’une de ces petites pièces, il faut alors imaginer tout un ménage s’y agiter, entre le lit, la cheminée et les latrines.

Ce travail de passionné connait plusieurs rebondissements, à commencer par l’extension de la restauration à la maison voisine.  Dans la pièce du rez-de-chaussée, aujourd’hui la seconde salle du musée, sous un sol et derrière un mur modernes, la cheminée et le pavement du XIVe siècle y ont été redécouverts intacts. Les carreaux de céramique ont de vives glaçures, verte et  ocre, un rappel que les intérieurs médiévaux pouvaient être bien plus colorés que notre imaginaire ne le projette parfois.

Intérieur de l’American Pilgrim Museum. Photo: S. Moine

Pendant que Ron et Théa bichonnent leur bâtisse, l’historien et spécialiste des Pilgrims Jeremy Bangs se désole d’apprendre que l’ancienne exposition consacrée au groupe religieux dans la ville n’existe plus, et cherche un nouveau lieu dédié à ce pan de l’histoire de Leyde. Les archives de la ville ont en effet jugé bon de détruire, à l’occasion de travaux, la grange remontant probablement au XVIIe siècle qui abritait l’exposition, et n’aménagera aucun nouvel espace de présentation avec sa reconstruction.  En 1997, le Pilgrim Museum voit le jour. C’est donc une belle rencontre très à propos qui réunit l’historien et les propriétaires, qui gèrent également un magasin d’antiquités à l’origine d’une partie de la collection.

Quelle formidable histoire, n’est-ce pas ? Mais la conservation de lieux culturels d’exception devrait-elle reposer sur la chance et la bonne volonté de particuliers ? Évidemment, cette histoire est celle d’une belle coïncidence qu’aucun n’aurait pu prévoir, et je ne cherche pas à tomber dans le passéisme; une ville doit évoluer avec ses habitants, elle ne peut pas se figer sous prétexte de conservation patrimoniale.

Mais derrière les lieux de mémoire d’aujourd’hui se cache parfois une histoire plus complexe qu’il n’y parait. Dans le Weddesteeg, une sculpture de bronze commémore Rembrandt, fierté absolue de Leyde, sa ville de naissance. Ce n’est pourtant que dans la première moitié du XXe siècle que la décision de détruire sa maison d’enfance dans cette même ruelle a été prise. Au début des années 2000, la ville de Leyde cherche à se débarrasser des ruines de la Vrouwenkerk, une église d’une portée historique certaine. C’est grâce à l’intervention de l’American Pilgrim Museum que ce monument de la ville sera protégé. La préservation de notre patrimoine ne devrait pas dépendre de la passion de particuliers et des actions d’institutions privées, du moins pas uniquement. Cependant, devant le nombre d’histoires me donnant la chair de poule, et en plongeant chaque semaine dans la magie du musée et sa collection, je vois comme la sensibilisation du public reste la meilleure arme pour préserver l’Histoire.

 

Groetjes & tot later !

Sarah